Scène XVII
Je le tuerai, je le tuerai ! Tuez-le donc, ce méchant page.
Ah ! quelle école ! (Regardant la comtesse, qui est restée stupéfaite.) Et vous aussi, vous jouez l’étonnement ?… Mais peut-être elle n’y est pas seule.
Scène XVIII
Remettez-vous, madame ; il est bien loin ; il a fait un saut…
Ah ! Suzon, je suis morte !
Scène XIX
Il n’y a personne, et pour le coup j’ai tort. — Madame… vous jouez fort bien la comédie.
Et moi, monseigneur ?
Quoi ! madame, vous plaisantiez ?
Eh pourquoi non, monsieur ?
Quel affreux badinage ! et par quel motif, je vous prie ?
Vos folies méritent-elles de la pitié ?
Nommer folies ce qui touche à l’honneur !
Me suis-je unie à vous pour être éternellement dévouée à l’abandon et à la jalousie, que vous seul osez concilier ?
Ah ! madame, c’est sans ménagement.
Madame n’avait qu’à vous laisser appeler les gens !
Tu as raison, et c’est à moi de m’humilier… Pardon, je suis d’une confusion !…
Avouez, monseigneur, que vous la méritez un peu.
Pourquoi donc ne sortais-tu pas lorsque je t’appelais, mauvaise !
Je me rhabillais de mon mieux, à grand renfort d’épingles ; et madame, qui me le défendait, avait bien ses raisons pour le faire.
Au lieu de rappeler mes torts, aide-moi plutôt à l’apaiser.
Non, monsieur ; un pareil outrage ne se couvre point. Je vais me retirer aux Ursulines, et je vois trop qu’il en est temps.
Le pourriez-vous sans quelques regrets ?
Je suis sûre, moi, que le jour du départ serait la veille des larmes.
Et quand cela serait, Suzon ? J’aime mieux le regretter que d’avoir la bassesse de lui pardonner ; il m’a trop offensée.
Rosine !…
Je ne la suis plus, cette Rosine que vous avez tant poursuivie ! je suis la pauvre comtesse Almaviva, la triste femme délaissée, que vous n’aimez plus.
Madame !
Par pitié !
Vous n’en aviez aucune pour moi.
Mais aussi ce billet… Il m’a tourné le sang !
Je n’avais pas consenti qu’on l’écrivît.
Vous le saviez ?
C’est cet étourdi de Figaro…
Il en était ?
… Qui l’a remis à Basile.
Qui m’a dit le tenir d’un paysan. Ô perfide chanteur, lame à deux tranchants ! c’est toi qui payeras pour tout le monde.
Vous demandez pour vous un pardon que vous refusez aux autres : voilà bien les hommes ! Ah ! si jamais je consentais à pardonner en faveur de l’erreur où vous a jeté ce billet, j’exigerais que l’amnistie fût générale.