Brrrr. Cela m’inquiète bien, ma foi ! Tu feras dire à monseigneur que tu te rendras sur la brune au jardin.
Tu comptes sur celui-là ?
Oh ! dame, écoutez donc ; les gens qui ne veulent rien faire de rien n’avancent rien, et ne sont bons à rien. Voilà mon mot.
Il est joli !
Comme son idée : vous consentiriez qu’elle s’y rendît ?
Point du tout. Je fais endosser un habit de Suzanne à quelqu’un : surpris par nous au rendez-vous, le comte pourra-t-il s’en dédire ?
À qui mes habits ?
Chérubin.
Il est parti.
Non pas pour moi ; veut-on me laisser faire ?
On peut s’en fier à lui pour mener une intrigue.
Deux, trois, quatre à la fois ; bien embrouillées, qui se croisent. J’étais né pour être courtisan.
On dit que c’est un métier si difficile !
Recevoir, prendre, et demander : voilà le secret en trois mots.
Il a tant d’assurance qu’il finit par m’en inspirer.
C’est mon dessein.
Tu disais donc…
Que, pendant l’absence de monseigneur, je vais vous envoyer le Chérubin : coiffez-le, habillez-le ; je le renferme et l’endoctrine ; et puis dansez, monseigneur.
Scène III
Mon Dieu, Suzon, comme je suis faite !… ce jeune homme qui va venir !…
Madame ne veut donc pas qu’il en réchappe ?
Moi ?… tu verras comme je vais le gronder.
Faisons-lui chanter sa romance.
Mais c’est qu’en vérité mes cheveux sont dans un désordre…
Je n’ai qu’à reprendre ces deux boucles, madame le grondera bien mieux.
Qu’est-ce que vous dites donc, mademoiselle ?
Scène IV
Entrez, monsieur l’officier ; on est visible.
Ah ! que ce nom m’afflige, madame ! il m’apprend qu’il faut quitter des lieux… une marraine si… bonne !…
Et si belle !
Ah ! oui.
Ah ! oui. Le bon jeune homme ! avec ses longues paupières hypocrites ! Allons, bel oiseau bleu, chantez la romance à madame.
De qui… dit-on qu’elle est ?
Voyez la rougeur du coupable : en a-t-il un pied sur les joues !
Est-ce qu’il est défendu… de chérir…
Je dirai tout, vaurien !
Là… chante-t-il ?
Oh ! madame, je suis si tremblant !…
Et gnian, gnian, gnian, gnian, gnian, gnian, gnian ; dès que madame le veut, modeste auteur ! Je vais l’accompagner.
Prends ma guitare.
(La Comtesse, assise, tient le papier pour suivre. Suzanne est derrière son fauteuil, et prélude en regardant la musique par-dessus sa maîtresse. Le petit page est devant elle, les yeux baissés. Ce tableau est juste la belle estampe d’après Vanloo, appelée LA CONVERSATION ESPAGNOLE.)