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des femmes ? et combien j’en ai vu de ces vertus à principes…

Rosine, en colère.

Mais, monsieur, s’il suffit d’être homme pour nous plaire, pourquoi donc me déplaisez-vous si fort ?

Bartholo, stupéfait.

Pourquoi ?… pourquoi ?… Vous ne répondez pas à ma question sur ce barbier.

Rosine, outrée.

Eh bien ! oui, cet homme est entré chez moi, je l’ai vu, je lui ai parlé. Je ne vous cache pas même que je l’ai trouvé fort aimable : et puissiez-vous en mourir de dépit !



Scène V

BARTHOLO, seul.

Oh ! les juifs, les chiens de valets ! La Jeunesse ! l’Éveillé ! l’Éveillé maudit !



Scène VI

BARTHOLO, L’ÉVEILLÉ.
L’Éveillé arrive en bâillant, tout endormi.

Aah, aah, ah, ah…

Bartholo.

Où étais-tu, peste d’étourdi, quand ce barbier est entré ici ?

L’Éveillé.

Monsieur, j’étais… ah, aah, ah…

Bartholo.

À machiner quelque espièglerie, sans doute ? Et tu ne l’as pas vu ?

L’Éveillé.

Sûrement je l’ai vu, puisqu’il m’a trouvé tout malade, à ce qu’il dit ; et faut bien que ça soit vrai, car j’ai commencé à me douloir dans tous les membres, rien qu’en l’en-entendant parl… Ah, ah, aah…

Bartholo le contrefait.

Rien qu’en l’en-entendant !… Où donc est ce vaurien de la Jeunesse ? Droguer ce petit garçon sans mon ordonnance ! Il y a quelque friponnerie là-dessous.



Scène VII

Les acteurs précédents, LA JEUNESSE arrive en vieillard, avec une canne en béquille ; il éternue plusieurs fois.
L’Éveillé, toujours bâillant.

La Jeunesse ?

Bartholo.

Tu éternueras dimanche.

La Jeunesse.

Voilà plus de cinquante… cinquante fois… dans un moment ! (Il éternue.) Je suis brisé.

Bartholo.

Comment ! je vous demande à tous deux s’il est entré quelqu’un chez Rosine, et vous ne me dites pas que ce barbier…

L’Éveillé, continuant de bâiller.

Est-ce que c’est quelqu’un donc, monsieur Figaro ? Aah, ah…

Bartholo.

Je parie que le rusé s’entend avec lui.

L’Éveillé, pleurant comme un sot.

Moi… Je m’entends !…

La Jeunesse., éternuant.

Eh mais, monsieur, y a-t-il… y a-t-il de la justice…

Bartholo.

De la justice ! C’est bon entre vous autres misérables, la justice ! Je suis votre maître, moi, pour avoir toujours raison.

La Jeunesse., éternuant.

Mais, pardi, quand une chose est vraie…

Bartholo.

Quand une chose est vraie ! si je ne veux pas qu’elle soit vraie, je prétends bien qu’elle ne soit pas vraie. Il n’y aurait qu’à permettre à tous ces faquins-là d’avoir raison, vous verriez bientôt ce que deviendrait l’autorité.

La Jeunesse., éternuant.

J’aime autant recevoir mon congé. Un service terrible, et toujours un train d’enfer !

L’Éveillé, pleurant.

Un pauvre homme de bien est traité comme un misérable.

Bartholo.

Sors donc, pauvre homme de bien ! (Il les contrefait.) Et t’chi, et t’cha ; l’un m’éternue au nez, l’autre m’y bâille.

La Jeunesse.

Ah, monsieur, je vous jure que sans mademoiselle, il n’y aurait… il n’y aurait pas moyen de rester dans la maison.

(Il sort en éternuant.)
Bartholo.

Dans quel état ce Figaro les a mis tous ! Je vois ce que c’est : le maraud voudrait me payer mes cent écus sans bourse délier…



Scène VIII

BARTHOLO, DON BASILE ; FIGARO, caché dans le cabinet, paraît de temps en temps, et les écoute.
Bartholo continue.

Ah ! don Basile, vous veniez donner à Rosine sa leçon de musique ?

Basile.

C’est ce qui presse le moins.

Bartholo.

J’ai passé chez vous sans vous trouver.