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LES DEUX AMIS, ACTE V, SCÈNE IX.


PAULINE, outrée, se relevant.

Oui, je pleure : mais… c’est de dépit de ne pouvoir m’en empêcher.

MÉLAC FILS.

J’ai donc tout perdu !

PAULINE.

Votre violence a tout détruit.



Scène VI


SAINT-ALBAN, MÉLAC fils, AURELLY, PAULINE.
AURELLY, accourant.

On se querelle ici ! Mélac ?

SAINT-ALBAN, après un peu de silence.

Non, monsieur, on est d’accord. Vous m’avez assuré que vous laissiez mademoiselle absolument libre sur le choix d’un époux : ce choix est fait. (À Pauline.) Non, je n’établirai point mon bonheur sur d’aussi douloureux sacrifices. Il n’en serait plus un pour moi, s’il vous coûtait le vôtre.

MÉLAC FILS, pénétré.

Qu’entends-je ? Ah ! monsieur !

SAINT-ALBAN.

Faisons la paix, mon heureux rival. Je pouvais épouser une femme adorable, dont l’honneur et la générosité eussent assuré mon repos ; mais son cœur est à vous.

MÉLAC FILS.

Combien je suis coupable !

SAINT-ALBAN.

Amoureux : et les plus ardents sont ceux qui offensent le moins. J’étais moi-même injuste.

AURELLY, à Pauline.

Tu l’aimais donc ?

PAULINE, baisant la main de son père.

Ce jour m’a éclairée sur tous mes sentiments.

AURELLY.

Mes enfants, vous êtes bien sûrs de moi : mais abuserons-nous du service que nous rendons à son père, pour lui arracher un consentement que sa fierté désavouera peut-être ?

PAULINE.

Ah ! quelle triste lumière ! ai-je pu m’aveugler à ce point !

MÉLAC FILS.

Pauline, vous savez s’il vous chérit !

SAINT-ALBAN, à Mélac.

Priez-le de passer ici ; n’armez pas son âme, en le prévenant, contre les coups qu’on va lui porter. Ne lui dites rien…

MÉLAC FILS.

Monsieur, vous tenez ma vie en vos mains.

AURELLY.

Tu perds un temps précieux.

(Mélac sort.)



Scène VII


SAINT-ALBAN, AURELLY, PAULINE.
AURELLY.

En l’attendant, dégageons notre parole envers vous, monsieur. Voici un ordre à monsieur de Préfort, mon correspondant de Paris, de vous compter, à votre arrivée, cinq cent mille francs.

SAINT-ALBAN.

Monsieur de Préfort, dites-vous ?

AURELLY.

En bons papiers : lisez.

SAINT-ALBAN.

Quelque bons qu’ils puissent être, vous savez que ce n’est pas là de l’argent prêt.

AURELLY.

Des effets qui se négocient d’un moment à l’autre ?

SAINT-ALBAN.

Depuis six jours, celui à qui vous m’adressez n’en a négocié aucun.

AURELLY.

Qui dit cela ? J’ai reçu de lui, ce matin, six cent mille francs échangés cette semaine.

SAINT-ALBAN.

De Préfort ?

AURELLY.

Mon payement ne roule pas sur autre chose.

SAINT-ALBAN.

Le courrier d’aujourd’hui m’apprend qu’il est mort.

AURELLY.

Quelle histoire !

SAINT-ALBAN.

On n’a pas dû me tromper… Mais n’avez-vous pas vos lettres ?

AURELLY.

Je les attends.

(Il sonne.)



Scène VIII


SAINT-ALBAN, AURELLY, PAULINE, ANDRÉ.
AURELLY, à André.

Qu’on appelle Dabins, et qu’il vienne au plus tôt. (À Saint-Alban.) C’est mon homme de confiance et mon caissier ; il nous mettra d’accord…

(André sort.)



Scène IX


SAINT-ALBAN, AURELLY, DABINS, PAULINE.
AURELLY, à Dabins.

Ah !… Mes lettres ?

DABINS lui en présente un gros paquet.

Les voici… je venais…