lons plus. Je n’en fais pas moins à votre père le sacrifice de toute ma fortune. Une retraite profonde est l’asile qui me convient : heureuse si votre souvenir n’y trouble pas mes jours !
Quel cœur avez-vous donc reçu de la nature ? Vous vous jouez de mon tourment ! Pauline, renoncez à cet odieux projet, ou je ne réponds plus… Jour à jamais détestable !… Je sens un désordre… Ah ! j’en perdrai la vie…
Il m’effraye ! Je ne puis le quitter. Mélac, mon ami, mon frère !
Moi votre ami ! moi votre frère ! Non, je ne vous suis rien. Allez, cruelle, vous ne me surprendrez plus. Le trait empoisonné que vous avez enfoncé dans mon cœur n’en sortira qu’avec ma vie. Me tendre un piége affreux ! et me rendre garant des propos insensés que le désespoir m’a fait tenir ! ah ! cela est d’une cruauté…
Ecoutez-moi, Mélac.
Je ne vous écoute plus. Vous ne m’avez jamais aimé. Je n’écoute plus une femme qui emploie un indigne détour pour renoncer à moi.
Eh bien ! mon cher Mélac, je n’y renonce pas. Tant d’amour me touche, plus qu’il ne convient peut-être à la malheureuse Pauline. Je n’y renonce pas ; mais, au nom de ton père, sors de cet égarement qui me tue.
Vous voyez bien, Pauline, ce que vous me promettez… vous le voyez bien. Si jamais vous rappelez… si jamais… (Il tombe à ses genoux avec ardeur.) Jurez-moi que vous oublierez les blasphèmes que j’ai horreur d’avoir proférés devant vous. Jurez-le-moi.
Puisses-tu les oublier toi-même !
Jurez-moi que vous me rendez votre cœur.
Te le rendre, ingrat : il n’a pas cessé d’être à toi.
Eh bien ! pardon. Je suis indigne de toute grâce ! et, si j’ai l’audace de la solliciter…
Scène XI
Voici mon père.
Ah ! monsieur, si le plus amer repentir pouvait effacer de coupables emportements ! si le plus vif regret de vous avoir offensé…
Offensé ! Non, mon ami ; j’ai moins vu ta colère que l’honnête sentiment qui la rachetait. Ton respect filial m’a touché. — Demande à Pauline ce que je lui en ai dit.
Je connais les effets de votre amitié, et ma reconnaissance…
Elle me plaît ; mais tu ne m’en dois que pour ma bonne volonté ; tout est bien loin d’être terminé.
Malgré vos offres ?
Qui a donc suspendu ?…
La chose la plus étonnante. Je parle à Saint-Alban ; il accepte le payement ; mais il n’en allait pas moins écrire à sa compagnie. L’honneur, l’état, la survivance, tout était perdu.
Le cruel !
Grands débats. Il paraît se rendre. Je crois tout fini ; je l’embrasse, en souhaitant de pouvoir l’obliger à mon tour. Il me prend au mot ; dans l’excès de ma joie, j’y engage mon honneur. (À Pauline.) Écoute la conclusion.
Je tremble.
« Vous avez une nièce charmante ; je l’aime, je adore, et je vous demande sa main. »
Juste ciel !
Je l’avais prévu.
Tu conçois quel a été mon embarras pour lui répondre.
Je vois le mal. Il est irréparable.
Non ; mais lorsqu’il m’a demandé ta main, je n’ai pas dû, sans te consulter, aller lui confier le secret de ta naissance. Je viens exprès pour cela : que lui dirai-je ?
Croyez-vous qu’il traitât rigoureusement M. de Mélac, s’il était refusé !
Refusé ! De quel droit le sommerais-je de sa parole, en manquant à la mienne ? C’est bien alors que tout serait perdu… Mais que faire ? il veut tout terminer à la fois, il attend une réponse.
Permettez qu’il la reçoive de moi. — Qu’il vienne.