votre fils à son tour ? Nos parents, aussi fiers que
les siens, laisseront-ils cette mort impunie ? Quel
est donc le terme où le carnage devra s’arrêter ?
Est-ce quand le sang des deux maisons sera tout à
fait épuisé ?
Imprudente ! Un cœur aussi crédule, avec autant de moyens de te garantir ! (Betsy sort par le vestibule.)
Scène V
Mon fils !
Sitôt de retour !
Sommes-nous vengés ?
Ô mon père ! vous voyez un malheureux… À deux pas d’ici j’ai trouvé le comte, il a voulu me parler ; sans l’écouter, je l’ai forcé de se défendre ; mais lorsque je le chargeais le plus vigoureusement… ô rage !… mon épée rompue…
Eh bien, mon fils ?…
Vous n’avez plus d’armes, m’a dit froidement le comte ; je ne regarde point cette affaire comme terminée ; j’approuve votre ressentiment ; je connais, comme vous, les lois de l’honneur ; nous nous verrons dans peu… Il est parti…
Pour aller terminer son mariage : voilà ce que j’avais prévu.
Je suis prêt à m’arracher la vie. Ma sœur ! ma chère Eugénie ! je t’avais promis un défenseur, le sort a trompé mon attente.
Le ciel a eu pitié de mes larmes ; il n’a pas permis qu’un autre fût entraîné dans ma ruine… Ô mon père !… ô mon frère !… seriez-vous plus inflexibles que lui ? La douleur qui me tue va laver la tache que j’ai imprimée sur toute ma famille. (Ici sa voix baisse par degrés.) Mais ce sacrifice lui suffit ; j’étais seule coupable, et le juste ciel veut que j’expie ma faute par le déshonneur, le désespoir et la mort.
Scène VI
On frappe à coups redoublés.
À l’heure qu’il est !… si malin… Courez. Qu’on n’ouvre pas.
Scène VII
Pourquoi ?
Il y a tout à craindre… un homme aussi méchant… son oncle…
Que peut-on nous faire ?
Après ce qui s’est passé cette nuit, mon frère… un ordre supérieur… votre fils… que sait-on ?…
Il n’est pas capable de cette lâcheté.
Il est capable de tout.
Scène VIII
C’est le comte de Clarendon.
Clarendon !
Je le voudrais.
Je l’ai vu dans la cour… le même habit. Il me suit.
Scène IX
C’est lui.
Il veut la voir mourir.
Il mourra avant elle. (Il avance vers lui, et met l’épée à la main.) Défends-toi, perfide.
Mon père, il est sans armes.
j’ai cru que le repentir était la seule qui convînt au coupable. (Il court se mettre aux genoux d’Eugénie) Eugénie, tu triomphes. Je ne suis plus cet insensé qui s’avilissait en te trompant ; je te jure un amour, un respect éternels. (Se levant avec effroi.) Ô ciel ! l’horreur et la mort m’environnent ! que s’est-il donc passé ?