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 trahisons, tes expédiens, tes injures et tes
projets. C’est-il ça de l’amour, dis donc comme ce matin ?

FIGARO rit en se relevant.

Santa barbara ! oui c’est de l’amour. Ô bonheur ! ô délices ! ô cent fois
heureux Figaro ! frappe ma bien aimée, sans te lasser. Mais quand tu
m’auras diapré tout le corps de meurtrissures, regarde avec bonté,
Suzon, l’homme le plus fortuné, qui fut jamais battu par une femme.

SUZANNE.

Le plus fortuné ! bon fripon, vous n’en séduisiez pas moins la
Comtesse, avec un si trompeur babil, que m’oubliant moi-même, en vérité,
c’était pour elle que je cédais.

FIGARO.

Ai-je pu me méprendre, au son de ta jolie voix ?

SUZANNE, en riant.

Tu m’as reconnue ? Ah comme je m’en vengerai !

FIGARO.

Bien rosser et garder rancune, est aussi par trop féminin ! Mais dis-moi
donc par quel bonheur je te vois là, quand je te croyais avec lui ; et
comment cet habit, qui m’abusait, te montre enfin innocente….

SUZANNE.

Eh c’est toi qui es un innocent, de venir te prendre au piége apprêté
pour un autre ! Est-ce notre faute à nous, si voulant museler un renard,
nous en attrapons deux ?

FIGARO.

Qui donc prend l’autre ?

SUZANNE.

Sa femme.