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mais assez bien pour nous, qui n’avons pas la vanité des riches.

SUZANNE.

Aucune des choses que tu avais disposées, que nous attendions, mon ami,
n’est pourtant arrivée !

FIGARO.

Le hasard a mieux fait que nous tous, ma petite ; ainsi va le monde ; on
travaille, on projette, on arrange d’un côté ; la fortune accomplit de
l’autre : et depuis l’affamé conquérant qui voudrait avaler la terre,
jusqu’au paisible aveugle qui se laisse mener par son chien, tous sont
le jouet de ses caprices ; encore l’aveugle au chien est-il souvent mieux
conduit, moins trompé dans ses vues, que l’autre aveugle avec son
entourage.--Pour cet aimable aveugle, qu’on nomme Amour… (il la
reprend tendrement à bras le corps.)

SUZANNE.

Ah ! c’est le seul qui m’intéresse !

FIGARO.

Permets donc que, prenant l’emploi de la folie, je sois le bon chien qui
le mène à ta jolie mignone porte ; et nous voilà logés pour la vie.

SUZANNE, riant.

L’Amour et toi ?

FIGARO.

Moi et l’Amour.

SUZANNE.

Et vous ne chercherez pas d’autre gîte ?

FIGARO.

Si tu m’y prends, je veux bien que mille millions de galans….

SUZANNE.

Tu vas exagérer ; dis ta bonne vérité.

FIGARO.

Ma vérité la plus vraie !

SUZANNE.

Fi