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 son affaire. En vain j’essayais d’établir que, dans
l’événement de la scène, moins la Comtesse a dessein de se cloîtrer,
plus elle doit le feindre, et faire croire à son époux que sa retraite
est bien choisie : ils ont proscrit mes Ursulines !

Dans le plus fort de la rumeur, moi, bon homme, j’avais été jusqu’à
prier une des actrices, qui font le charme de ma pièce, de demander aux
mécontens à quel autre couvent de filles ils estimaient qu’il fût
décent que l’on fît entrer la Comtesse ? À moi, cela m’était égal ; je
l’aurais mise où l’on aurait voulu ; aux Augustines, aux Célestines,
aux Clairettes, aux Visitandines, même aux petites Cordelières,
tant je tiens peu aux Ursulines ! Mais on agit si durement !

Enfin, le bruit croissant toujours ; pour arranger l’affaire avec
douceur, j’ai laissé le mot Ursulines à la place où je l’avais mis :
chacun alors content de soi, de tout l’esprit qu’il avait montré, s’est
apaisé sur Ursulines, et l’on a parlé d’autre chose.

Je ne suis point, comme l’on voit, l’ennemi de mes ennemis. En disant
bien du mal de moi ils n’en ont point fait à ma pièce ; et s’ils
sentaient seulement autant de joie à la déchirer que j’eus de plaisir à
la faire, il n’y aurait personne d’affligé. Le malheur est qu’ils ne
rient point ; et ils ne rient point à ma pièce, parce qu’on ne rit point
à la leur. Je connais plusieurs amateurs, qui sont même beaucoup maigris
depuis le succès du Mariage ; excusons donc l’effet de leur colère.

À des moralités d’ensemble et de détail, répandues dans les flots d’une
inaltérable gaieté ; à un dialogue assez vif, dont la facilité nous cache
le travail, si l’auteur a joint une intrigue aisément filée, où l’art se
dérobe sous l’art, qui se noue et se dénoue sans cesse, à travers une
foule de situations