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 pénible du soldat ;
et il y a des choses qu’il ne faut jamais dire. Voilà dans toute sa
force l’argument de la méchanceté ; reste à en prouver la bêtise.

Si, comparant la dureté du service à la modicité de la paye, ou
discutant tel autre inconvénient de la guerre, et comptant la gloire
pour rien, je versais de la défaveur sur ce plus noble des affreux
métiers, on me demanderait justement compte d’un mot indiscrètement
échappé ; mais, du soldat au colonel, au général exclusivement, quel
imbécille homme de guerre a jamais eu la prétention qu’il dût pénétrer
les secrets du cabinet, pour lesquels il fait la campagne ? C’est de cela
seul qu’il s’agit dans la phrase de Figaro. Que ce fou-là se montre
s’il existe ; nous l’enverrons étudier sous le philosophe Babouc, lequel
éclaircit disertement ce point de discipline militaire.

En raisonnant sur l’usage que l’homme fait de sa liberté dans les
occasions difficiles, Figaro pouvait également opposer à sa situation
tout état qui exige une obéissance implicite ; et le cénobite zélé, dont
le devoir est de tout croire, sans jamais rien examiner ; comme le
guerrier valeureux, dont la gloire est de tout affronter sur des ordres
non motivés, de tuer et se faire tuer pour des intérêts qu’il ignore.
Le mot de Figaro ne dit donc rien, sinon qu’un homme libre de ses
actions doit agir sur d’autres principes que ceux dont le devoir est
d’obéir aveuglément.

Qu’aurait-ce été, bon Dieu ! si j’avais fait usage d’un mot qu’on
attribue au Grand Condé, et que j’entends louer à outrance, par ces
mêmes logiciens qui déraisonnent sur ma phrase ? À les croire, le Grand
Condé montra la plus noble présence d’esprit, lorsqu’arrêtant Louis
XIV, prêt à pousser son cheval