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 de même
qu’un sot en place en paraît une fois plus sot, parce qu’il ne peut plus
rien cacher ; de même un grand seigneur, l’homme élevé en dignités, que
la fortune et sa naissance ont placé sur le grand théâtre, et qui, en
entrant dans le monde, eut toutes les préventions pour lui, vaut presque
toujours moins que sa réputation, s’il parvient à la rendre mauvaise.
Une assertion si simple et si loin du sarcasme devait-elle exciter le
murmure ? si son application paraît fâcheuse aux grand peu soigneux de
leur gloire, en quel sens fait-elle épigramme sur ceux qui méritent nos
respects ? et quelle maxime plus juste au théâtre peut servir de frein
aux puissans, et tenir lieu de leçon à ceux qui n’en reçoivent point
d’autres ?

Non qu’il faille oublier, (a dit un écrivain sévère ; et je me plais à le
citer, parce que je suis de son avis, ) « Non qu’il faille oublier,
dit-il, ce qu’on doit aux rangs élevés ; il est juste au contraire que
l’avantage de la naissance soit le moins contesté de tous, parce que ce
bienfait gratuit de l’hérédité, relatif aux exploits, vertus, ou
qualités des aïeux de qui le reçut, ne peut aucunement blesser l’amour
propre de ceux auxquels il fut refusé : parce que, dans une monarchie, si
l’on ôtait les rangs intermédiaires, il y aurait trop loin du monarque
aux sujets ; bientôt on n’y verrait qu’un despote et des esclaves : le
maintien d’une échelle graduée du laboureur au potentat intéresse
également les hommes de tous les rangs, et peut-être est le plus ferme
appui de la constitution monarchique. »

Mais quel auteur parlait ainsi ? qui fesait cette profession de foi sur
la noblesse, dont on me suppose si loin ? C’était PIERRE-AUGUSTIN CARON
DE BEAUMARCHAIS plaidant par écrit au parlement d’Aix, en 1778, une
grande et sévère question, qui décida bientôt de l’honneur d’un