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 faire rougir des vôtres sur le point le plus
destructeur de toute honnêteté publique ; la corruption des jeunes
personnes ; et j’avais raison de le dire, que vous trouvez ma pièce trop
gaie, parce qu’elle est souvent trop sévère. Il n’y a que façon de
s’entendre.

--Mais votre Figaro est un soleil tournant, qui brûle, en jaillissant,
les manchettes de tout le monde.--Tout le monde est exagéré. Qu’on me
sache gré du moins s’il ne brûle pas aussi les doigts de ceux qui
croient s’y reconnaître : au temps qui court on a beau jeu sur cette
matière au théâtre. M’est-il permis de composer en auteur qui sort du
collége, de toujours faire rire des enfans, sans jamais rien dire à des
hommes ? Et ne devez-vous pas me passer un peu de morale, en faveur de ma
gaieté, comme on passe aux Français un peu de folie en faveur de leur
raison ?

Si je n’ai versé sur nos sottises qu’un peu de critique badine, ce n’est
pas que je ne sache en former de plus sévères : quiconque a dit tout ce
qu’il sait dans son ouvrage, y a mis plus que moi dans le mien. Mais je
garde une foule d’idées qui me pressent pour un des sujets les plus
moraux du théâtre, aujourd’hui sur mon chantier : la Mère coupable ; et
si le dégoût dont on m’abreuve me permet jamais de l’achever, mon projet
étant d’y faire verser des larmes à toutes les femmes sensibles,
j’élèverai mon langage à la hauteur de mes situations ; j’y prodiguerai
les traits de la plus austère morale, et je tonnerai fortement sur les
vices que j’ai trop ménagés. Apprêtez-vous donc bien, Messieurs, à me
tourmenter de nouveau ; ma poitrine a déjà grondé ; j’ai noirci beaucoup
de papier au service de votre colère.

Et vous, honnêtes indifférens, qui jouissez de tout sans prendre parti
sur rien ; jeunes personnes modestes et timides, qui vous plaisez à ma
Folle Journé