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 qu’il obtînt de l’intérêt, sans forcer personne à rougir. Ce
qu’il éprouve innocemment, il l’inspire par-tout de même. Direz-vous
qu’on l’aime d’amour ? Censeurs ! ce n’est pas-là le mot : vous êtes trop
éclairés pour ignorer que l’amour, même le plus pur, a un motif
intéressé : on ne l’aime donc pas encore ; on sent qu’un jour on l’aimera.
Et c’est ce que l’auteur a mis avec gaieté dans la bouche de Suzanne,
quand elle dit à cet enfant : Oh ! dans trois ou quatre ans je prédis que
vous serez le plus grand petit vaurien !…

Pour lui imprimer plus fortement le caractère de l’enfance, nous le
fesons exprès tutoyer par Figaro. Supposez-lui deux ans de plus, quel
valet dans le château prendrait ces libertés ? Voyez-le à la fin de son
rôle ; à peine a-t-il un habit d’officier, qu’il porte la main à l’épée
aux premières railleries du Comte sur le quiproquo d’un soufflet. Il
sera fier, notre étourdi ! mais c’est un enfant, rien de plus. N’ai-je
pas vu nos dames dans les loges aimer mon Page à la folie ? Que lui
voulaient-elles ? hélas ! rien : c’était de l’intérêt aussi ; mais comme
celui de la Comtesse, un pur et naïf intérêt, un intérêt…. sans
intérêt.

Mais est-ce la personne du Page ou la conscience du Seigneur qui fait le
tourment du dernier, toutes les fois que l’auteur les condamne à se
rencontrer dans la pièce ? Fixez ce léger aperçu, il peut vous mettre sur
sa voie ; ou plutôt apprenez de lui que cet enfant n’est amené que pour
ajouter à la moralité de l’ouvrage, en vous montrant que l’homme le plus
absolu chez lui, dès qu’il suit un projet coupable, peut être mis au
désespoir par l’être le moins important, par celui qui redoute le plus
de se rencontrer sur sa route.

Quand mon Page aura dix-huit ans, avec le caractère