Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/93

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avaient observé le mouvement des patriotes de Saint-Antoine avaient braqué un canon sur le bac que conduisait Roberge, et un boulet emporta une planche de l’embarcation et fendit l’aviron du traversier. Celui-ci, sans se déconcerter, dit à ses compagnons : « Couchez-vous », et il continua à ramer sans perdre un seul coup d’aviron.

Notre arrivée, dans un moment critique, avait décidé de la victoire et les habits rouges reprirent, tout penauds, la route de Sorel, poursuivis par nos hommes qui leur enlevèrent leur canon et quelques prisonniers. Impossible de vous peindre la joie et l’enthousiasme que causa ce premier succès parmi les patriotes. On félicita les volontaires de Contrecœur, de Saint-Antoine et de Saint-Ours de la part décisive qu’ils avaient prise au combat, et la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre des rives du Richelieu aux bords du Saint-Laurent.

Nous reprîmes la route de Contrecœur, le soir même, afin d’aller porter la bonne nouvelle aux amis du village. Le capitaine Marion fut porté en triomphe, et les habitants allumèrent un énorme feu de joie sur le rivage, afin d’apprendre à leurs amis de Lavaltrie, de Lanoraie et de Saint-Sulpice le premier triomphe de l’insurrection contre le despotisme anglais. Cette joie, hélas ! fut