Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La fermière qui le suivait du regard, en hochant la tête, le vit s’élancer dans son canot et s’éloigner du rivage à grands coups d’avirons. La légère embarcation bondissait sur la lame et Pierre, le cœur léger et le poignet ferme, se sentait plus libre en respirant l’air du grand fleuve.

La mère resta pensive sur la côte pendant quelques instants, et lorsque son mari vint la rejoindre pour lui demander où allait Pierre, elle lui répondit :

— Jean-Louis, mon homme, je t’ai dit hier soir qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire dans l’esprit de notre Pierre. Je te le répète encore aujourd’hui ; je ne sais ce qui agite ainsi le jeune homme, mais ses manières trahissent des préoccupations sérieuses.

— Bah ! laisse donc faire, femme, Pierre est un gaillard qui saura bien « tirer son épingle du jeu. » Tu oublies qu’il faut que jeunesse se passe et que l’esprit nous « trotte » quand on a vingt-cinq ans. Laisse le gars à ses plaisirs et viens dîner, Marie, viens !