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possibles, et ce ne fut que lorsque la voix de sa vieille mère lui rappela que minuit allait bientôt sonner, qu’il se décida à aller chercher du repos dans sa chambre solitaire. Ce fut en vain, cependant, qu’il essaya de fermer l’œil ; il se roula sur sa couche jusqu’au matin, et l’aurore le trouva occupé, sur la grève, à préparer son canot d’écorce.

Le jeune homme prit un soin extraordinaire en faisant la toilette de sa légère embarcation. L’écorce de bouleau lui semblait vieillie et craquée ; les coutures couvertes de gomme de sapin lui paraissaient grossières ; la courbe de la pince ne lui semblait plus élégante. Il voulait plaire au vieillard, et tous les fermiers de la côte se connaissent en canots d’écorce. Il redoutait la critique de l’œil exercé du père de Jeanne. Après avoir poli et repoli ses avirons et fini ses préparatifs, Pierre reprit la route de la ferme au son de la cloche de l’église du village qui sonnait le premier coup de la grand’messe.

Tous les employés étaient sur pied et chacun se préparait à se rendre au village pour assister au service divin. Après avoir pris part au déjeuner commun, Pierre accompagné de son père et de sa mère, monta dans le carrosse de la famille afin de se rendre au village que l’on apercevait à demi-caché dans les grands sapins du domaine.