Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/69

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’écrivain, mais il avait su faire la part de la fiction avec laquelle on traite généralement les passions humaines. Pierre s’était toujours dit, que le jour où il aimerait une femme, il le lui dirait, sans détour et sans crainte ; et il avait su tenir parole.

Si sérieux et si candide que l’on soit, cependant, dans des occasions aussi solennelles, la voix tremble toujours un peu et l’émotion rend timide. Pierre malgré sa résolution d’en finir tout d’un coup avait hésité un moment ; mais l’amitié de Jules avait surpris son secret et lui avait rendu la tâche plus facile. Il s’agissait maintenant de savoir comment Jeanne répondrait à son amour.

Le jeune homme, nous l’avons dit déjà, avait découvert sous l’humble apparence de la faneuse, les manières et l’éducation d’une fille bien née. Il sentait, qu’en dépit de leur pauvreté, les Girard avaient dû connaître de meilleurs jours. Le père, que Pierre ne connaissait pas encore, devait, pensait-il, avoir l’orgueil d’une pauvreté honorable, mais probablement accidentelle. Pierre possédait l’amitié du frère ; il aspirait à l’amour de la jeune fille ; mais il avait peur de ce vieillard inconnu qui lui apparaissait comme le juge qui devait se prononcer en dernier lieu sur son bonheur.

Le jeune homme passa et repassa dans son esprit une foule de suppositions plus ou moins im-