Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le lendemain, à l’humble chaumière de Contrecœur ?

Pierre était un brave garçon qui allait droit au but, sans crainte et sans hésitation. Il s’était dit un jour qu’il aimait Jeanne, mais il avait voulu attendre quelque temps pour consulter son cœur afin de ne pas s’engager à l’aventure dans une passion qu’il considérait comme sacrée. Son cœur lui avait répondu par un redoublement d’amour pour la jeune fille.

Le jour où il en était arrivé à une décision finale, à ce sujet, il avait pris la résolution de faire part de ses sentiments à Jeanne et à son frère Jules. Les soupirs et les atermoiements amoureux n’entraient pas dans sa manière d’envisager l’amour. Il aimait avec franchise et sans arrière-pensée, et il lui semblait que le plus court chemin pour arriver au bonheur était de déclarer franchement sa passion. Pierre, instruit à l’école des mœurs simples et pastorales du paysan canadien, avait conservé cette simplicité jusque sur les bancs du collège. Son esprit pratique lui avait fait rechercher les lectures sérieuses, et la mise en scène et les exagérations du romancier moderne, dans la narration des drames de l’amour, n’avaient provoqué chez lui que sourires et incrédulité. Il admirait l’imagination et les belles phrases de