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venues bizarres. As-tu remarqué son silence au milieu de la causerie générale, et ses regards distraits ? Je crois mon homme qu’il doit y avoir quelque part, anguille sous roche.

— Bah ! femme, tu as rêvé tout cela. Notre Pierre n’est pas homme à se laisser troubler par des enfantillages. À propos, as-tu réfléchi à ce que nous devrions faire à son égard, maintenant ? Le voilà homme fait et puisqu’il refuse de continuer ses études, il faudrait voir à l’établir quelque part.

— J’ai déjà pensé à tout cela, sans arriver à une conclusion satisfaisante. Il est évident qu’il est de notre devoir de lui faire une position. Ce métier de bûcheron ne convient ni à ses aptitudes ni à notre dignité. Nous sommes riches et il est humiliant de voir notre fils unique se livrer à une occupation si peu en rapport avec son éducation.

— Tu as raison, répondit le fermier, et n’eussent été son entêtement et son fol orgueil, à propos de ce qu’il se plaît à appeler ses convictions politiques, il aurait terminé ses études au séminaire de Montréal. Mais non ! ce n’est plus cela. Les enfants se permettent maintenant de faire la loi à leurs parents. Les Montépel, de père en fils, ont été conservateurs ; et que diable ! va-t-on commencer maintenant à me faire la leçon ? Je voudrais bien voir cela !