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Le dernier jour de la fenaison se trouvait un samedi. Vers les cinq heures du soir, le fermier avait envoyé chercher son fils et lui avait dit :

— Pierre, nous finissons aujourd’hui les travaux de la moisson et je désire, avant de prendre congé de mes « engagés », les inviter tous à un souper de famille. J’ai fait préparer, par ta mère, sous les pommiers du verger, un repas succulent. Va, mon fils, dire à tous ces braves gens, garçons et filles, que je les attends à la maison pour leur payer leur salaire et pour prendre part avec eux, au repas du soir.

Pierre s’éloigna pour obéir aux ordres de son père. Chacun s’empressa de terminer sa tâche, et quelques instants plus tard tout le personnel de la ferme faisait queue devant une table que le père Montépel avait installée sous les pommiers, et où il payait à chaque employé, à tour de rôle, la somme qui lui était due. Les jeunes filles d’abord, les garçons ensuite. C’était le moment heureux. Chacun babillait et faisait part de ses projets à ses voisins. Les jeunes filles causaient colifichets et rééditaient la fable de Perrette et du pot-au-lait. Les garçons plus sérieux parlaient, chasse, pêche et voyages aux pays « d’en haut. »

Seul, Pierre qui se tenait à l’écart, semblait voir avec tristesse le départ de ses camarades de tra-