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bonnes paroles. Croyez bien que si jusque aujourd’hui j’ai paru éviter la conversation, c’est que je sentais qu’il y avait entre nous la distance qui sépare toujours le maître du serviteur. Vous êtes ici le fils du fermier, et je ne suis que le moissonneur à gages. Puisque vous voulez bien vous-même oublier cette différence, j’accepte les sentiments d’amitié que vous m’offrez si cordialement. Voici ma main.

Pierre serra la main de son nouvel ami, et continua :

— Mon cher Jules, inutile de vous dire que dans l’humble position que vous occupez aujourd’hui, j’ai découvert l’homme bien né et le penseur intelligent. Soyons bons amis et causons souvent ensemble. Je sens le besoin d’une amitié comme la vôtre.

— Elle vous est acquise, mon cher Pierre, puisque vous voulez bien me permettre de vous appeler ainsi.

— Enfin ! ce n’est pas trop tôt. Aussi m’avez-vous fait assez longtemps attendre ces bonnes paroles.

— Croyez bien, reprit Jules, qu’il n’y avait chez moi ni arrière-pensée, ni mauvaise volonté. Comme vous avez paru le deviner, nous occupons ma sœur et moi, parmi les moissonneurs, une position exceptionnelle, et nous avons cru que le si-