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Le père Jean-Louis se faisait vieux, et son bras ne pouvait plus manier la faux devenue pesante. Il tenait cependant à faire acte de présence dans les prairies immenses qu’il consacrait à la culture du foin. Le principal revenu de sa ferme provenait depuis quelques années des contrats qu’il avait obtenus à Montréal, comme fournisseur de la compagnie métropolitaine des chars urbains (tramways).

Cette compagnie organisée à Montréal en 1861 avait introduit le système des tramways américains, et les rues de la grande ville étaient maintenant sillonnées par les lisses de fer sur lesquelles on traînait, à force de chevaux, les nouveaux chars-omnibus que l’on a surnommés avec raison « l’équipage du peuple ».

Deux chevaux pouvaient traîner facilement un omnibus contenant 50 personnes, et le succès de la nouvelle entreprise fut si marqué que l’on multiplia les routes ; ce qui naturellement, demandait un plus grand nombre de chevaux, et du fourrage en proportion. Le père Montépel, avec le coup d’œil commercial du paysan normand, en apprenant par son journal, « La Minerve » de Montréal, les détails de la nouvelle entreprise, avait dit à sa femme :

— Marie, je pars demain pour Montréal dans le