Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

prenait soin de ne jamais causer politique devant les amis de la famille.

Un jour vint, cependant, où le jeune homme, dans un moment d’oubli, laissa échapper des paroles qui blessèrent les sentiments du père Jean-Louis. Celui-ci tout étonné lui dit :

— Ah ça ! mon fils ! est-ce là ce que l’on t’apprend sur les bancs du collège de Montréal ? Est-ce pour t’apprendre à mépriser les convictions politiques de ton père, que je sacrifie ma fortune à te faire donner une bonne éducation ?

— Mon père, répondit Pierre, je n’aurais jamais volontairement fait entendre ma voix pour critiquer vos idées, quelles qu’elles soient, mais le hasard a voulu que vous apprissiez mes sentiments à cet égard, et vous m’avez enseigné à être trop honnête homme, pour que je m’abaisse à renier ma croyance politique. Vous paraissez vous plaindre des sommes que vous avez dépensées pour moi. Soit, je comprends vos hésitations. Dorénavant, je gagnerai moi-même mon pain. Dès aujourd’hui, mon père, je vais m’occuper à chercher une situation qui me permettra de pourvoir moi-même à mes besoins.

Le père Jean-Louis avait pleuré en secret de ce qu’il appelait l’obstination de son fils, mais il était