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priétés. L’autre moitié lui restait libre de dettes, il est vrai, mais les affaires en général allaient très mal au Canada, et les produits agricoles se vendaient à des prix ridicules. Le brave homme travailla ainsi pendant plusieurs années, mais la prospérité d’autrefois ne revint jamais au foyer. C’était la vie, au jour le jour, sans repos, sans trêve. Aussi, Michel Dupuis succomba-t-il encore jeune, sous le poids d’un travail surhumain. Son fils aîné, Anselme Dupuis, qui avait recueilli l’héritage paternel, avait aussi lutté bravement contre la misère pendant quelques années encore, mais les affaires paraissaient aller de mal en pis. Le jeune homme s’était marié de bonne heure à une brave fille qui ne lui avait apporté pour dot que ses jolis yeux et une énergie peu commune. Homme et femme avaient mis la main aux manchons de la charrue mais les devoirs de la maternité avaient bientôt forcé la jeune épouse à se dévouer aux soins de la famille. Anselme restait donc seul pour cultiver ses champs, car ses maigres revenus ne lui permettaient pas de se payer les services d’un employé. La lutte fut longue, et ce ne fut qu’après avoir vu sa famille s’augmenter de plusieurs enfants et ses dépenses croître en proportion, qu’il consentit à emprunter, de temps en temps, les sommes néces-