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chez les étrangers si tôt après la mort de son père.

Après avoir revêtu une modeste toilette de deuil qu’elle avait confectionnée elle-même, et avoir fait des efforts pour chasser les idées sombres qui l’obsédaient, Jeanne prit la route de la ferme la plus voisine, bien décidée à s’adresser partout où elle croirait pouvoir obtenir de l’emploi. Sa famille était peu connue dans la paroisse, car depuis son retour au pays, le père Girard avait vécu dans une solitude presque absolue. Chacun avait entrevu, il est vrai, la figure vénérable du vieillard, mais on ignorait généralement les détails de son histoire, et l’on s’était à peine aperçu de sa disparition si subite. Lorsque la jeune fille se présenta chez les fermiers du voisinage elle fut donc reçue sans exciter trop de curiosité et on la traita avec la politesse proverbiale de « l’habitant » canadien. Ses premiers efforts demeurèrent infructueux et après avoir en vain offert ses services à plusieurs personnes, elle rentra, le soir, fatiguée, mais non découragée. Elle s’était dit qu’il lui faudrait parcourir ainsi toute la paroisse, s’il était nécessaire, avant d’abandonner son projet. Ses efforts du lendemain eurent les mêmes résultats négatifs et elle ne put s’empêcher de remarquer qu’il existait un manque presque absolu de travail, tandis que l’on trouvait partout un grand nombre de personnes qui déploraient