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vant le privilége de l’habiter en commun avec les locataires. Il lui répugnait cependant d’introduire des étrangers dans ce lieu qu’elle considérait comme sacré, et d’un autre côté les sentiments d’indépendance dans lesquels elle avait été élevée lui faisaient envisager avec crainte la vie dans une famille étrangère. Il fallait, cependant, prendre une décision immédiate car il était évident qu’elle ne pouvait habiter seule cette chaumière isolée dans l’état de faiblesse physique et d’agonie morale où elle se trouvait depuis la mort de son père. Elle se mit donc en frais de consulter les ressources dont elle disposait, avant de mettre ses projets à exécution, et la pauvre fille s’aperçut, après avoir payé les frais de l’enterrement, qu’il ne lui restait qu’une somme de vingt dollars pour toute fortune.

En dépit du peu d’expérience qu’elle avait des nécessités matérielles de la vie, Jeanne comprit que cette somme de vingt dollars était loin d’être suffisante pour payer ses frais de pension et d’entretien jusqu’au printemps suivant, et qu’il lui faudrait voir à obtenir un travail quelconque jusqu’au retour des voyageurs. Ce n’était certes pas l’idée du travail qui lui faisait peur, mais dans l’état où elle se trouvait, il lui était doublement pénible de se voir forcée d’abandonner les lieux témoins de