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viendrai que le nom de Montépel doit rester pur et sans tache. Adieu ! et puissiez-vous me pardonner un jour les moments de peine et de colère que je vous ai causés.

Le fermier avait accepté la main que son fils lui avait tendue, mais son orgueil l’avait empêché, encore une fois, d’effectuer une réconciliation que son cœur désirait cependant. Pierre s’était éloigné sans tourner la tête, car l’émotion que lui avaient causée les événements si pénibles de la veille lui faisait craindre une scène déchirante pour sa pauvre mère. Le fermier suivit pendant longtemps des yeux la forme de son fils unique qui s’éloignait de la maison paternelle dans des circonstances si regrettables, et lorsque le jeune homme eut disparu derrière les sapins du domaine, le vieillard sentit son courage faiblir et s’adressant à sa femme qui pleurait auprès de lui :

— Marie ! pourquoi Dieu nous a-t-il réservé cette grande douleur pour nos jours de vieillesse ? Notre fils qui s’en va là-bas emporte avec lui le dernier rayon de bonheur et de contentement qu’il nous fût permis d’espérer sur la terre. Si j’ai été trop sévère, que Dieu me pardonne, femme, mais j’ai agi comme ont agi tous les Montépels avant moi.