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ne l’avais vu qu’une fois lors des événements mémorables de 1837, mais je me rappelai parfaitement sa figure. La discussion commença avec assez de calme, de part et d’autre, mais on en vint bientôt aux gros mots et je me laissai emporter, malgré mon grand âge, à crier : À bas Montépel ! quand celui-ci s’avança sur l’estrade pour s’adresser à l’assemblée. Fidèle à ses opinions d’autrefois il était resté conservateur et il fit un appel véhément en faveur du candidat tory. J’ignore encore ce qui me poussa à lui répondre, mais lorsqu’il termina sa harangue, je me trouvai sur l’estrade et je m’avançai pour parler, aux acclamations de mes amis du village qui criaient à tue-tête : — M. Girard ! M. Girard ! J’avais la tête en feu et je me laissai aller à des critiques regrettables. Je rappelai les antécédents de M. Montépel pendant la lutte de l’insurrection de 1837 ; je l’accusai d’avoir trahi son pays et d’avoir traqué ses frères, et je terminai en comparant les tories du présent aux bureaucrates du passé. M. Montépel baissa la tête devant mes accusations et ne répondit rien, mais j’ai la conviction de l’avoir blessé profondément dans ses sentiments politiques et dans son amour-propre. Quelques années se sont écoulées depuis cet incident regrettable, mais n’avais-je pas raison de vous dire, mes enfants, qu’il