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DE MONTRÉAL À VICTORIA.

n’en doute aucunement, si l’artiste a pu réussir à saisir un de ces merveilleux levers de soleil dont j’ai été témoin pendant mon court séjour en cet endroit.

La gare est située tout au fond de la vallée dans un recoin obscur, et en décembre, le soleil ne se lève que sur les neuf heures du matin. Il est dix heures avant que ses rayons vivifiants aient pu pénétrer jusqu’à nous à travers les arbres touffus. Il fait encore sombre dans les grands pins qui abritent les quelques maisons primitives du village naissant, quand tout à coup et comme par enchantement, sans la transition ordinaire de l’aurore de nos longitudes, les pics environnants s’embrasent et les crêtes couvertes de neiges éternelles scintillent en s’allumant tour à tour aux rayons tardifs du soleil d’hiver. Cela nous rappelle vaguement les grands lustres que l’on allume, les uns après les autres, dans les nefs sombres des cathédrales, aux cérémonies nocturnes de la Pâque chrétienne. Le soleil descend lentement des montagnes, éclairant les touffes sombres des cèdres trapus et des sapins rabougris, cristallisant plus loin les eaux d’un torrent qui bondit de rocher en rocher pour se perdre dans les sinuosités d’un ravin, dorant deci delà