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fum et le tressaillement des végétations, les graines envolées, les germes mêlés de poussière, qui tombaient çà et là en pluie mystérieuse, le cri d’innombrables bêtes, qui n’ont guère d’autre témoin que lui et qui chantent dans les forets de l’herbe. Un contentement passait, une marée tranquille et féconde, qui allait rejoindre l’autre, et courir sur elle, et répandre jusque dans les solitudes du large l’odeur des moissons de France. Et le métayer, en buvant l’air où flottait l’âme de sa Vendée, sentit frémir en lui-même l’amour qui n’avait point faibli, qu’il n’aurait pas su exprimer, dont il était cependant pénétré jusqu’à la moelle des os. « Qu’ont-ils donc, ces jeunes gars, pensa-t-il, qu’on les dirait indifférent à leur métairie ? J’ai été jeune, moi aussi, et il aurait fallu me donner bien cher pour me faire quitter la Fromentière. Peut-être ils s’ennuient ; la maison n’est pas toujours en paix, comme au temps de ma défunte. Je ne sais pas les mettre d’accord, comme elle savait le faire. » Et il songea, quelques secondes, à la mère Lumineau, femme économe, hautaine avec les étrangers et tendre pour les siens, qui réussissait, sans tapage, avec des mots qu’elle trouvait toujours, à changer le cœur des fils, et à modérer la rivalité des