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voisine, le bruit de la vaisselle. Les filles écoutaient. Le vieux métayer ne répondit rien. Mais il se leva, il se redressa de toute sa taille, passa devant son fils inquiet qui le surveillait du coin de l’œil, et ouvrit bruyamment la porte qui donnait sur la cour. Un souffle, l’haleine des feuilles, la senteur des campagnes vertes roula dans la salle toute pleine d’une odeur de mangeaille et de sueur. François se hâta de déguerpir, longea la muraille, entra dans la décharge où il échangea quelques mots avec Éléonore, et, par la chambre des filles, qui faisait suite, s’évada dans la nuit.

Chaque soir, le, métayer sortait sur le pas de sa porte, et respirait, avant de se coucher, l’air de chez lui. Il s’avança jusqu’au milieu de la cour, et regarda le ciel, selon sa coutume, pour juger du temps du lendemain. Quelques nuages glissaient vers l’occident, arrière-garde d’une nappe plus étendue qui s’enfonçait au-dessous de l’horizon. Ils formaient des îles transparentes, que séparaient des abîmes d’un bleu profond et plein d’étoiles. Le vent les poussait, d’un même mouvement, vers les côtes prochaines. Avec la lenteur d’un vaisseau chargé, il emportait vers la mer vivante le baiser de la vie terrestre, le par-