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voix qui s’enflait à la moindre contradiction :

— Est-ce qu’ils pouvaient faire autrement ? Ils sont ruinés.

— Oh ! ruinés ! Il faudrait voir.

— Vous n’avez qu’à voir le château, fermé depuis huit ans comme une prison, qu’à écouter ce qu’on raconte. Tous leurs biens sont engagés. Le notaire ne se gêne pas de le dire. Et vous verrez que la Fromentière sera vendue, et nous avec !

— Non, Mathurin, je ne verrai pas ça, Dieu merci : je serai mort avant. Et puis nos nobles ne sont pas comme nous, mon garçon : ils ont toujours des héritages qui leur arrivent, quand ils ont un peu mangé leur fonds. Moi, j’ai meilleure espérance que toi. J’ai dans l’idée qu’un jour M. Henri rentrera dans son château, et qu’il viendra là où tu es, avec sa main tendue : « Bonjour, père Lumineau ! », et aussi mademoiselle Ambroisine, qui sera si contente d’embrasser mes filles sur les deux joues, à la maraîchine : « Bonjour, Éléonore ! Bonjour, Marie-Rose ! » Ça sera peut-être plus tôt que tu ne penses.

Les yeux levés, fixant la plaque de la cheminée, l’ancien avait l’air d’apercevoir la fille de ses