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revenir pendant trois années, mais jamais il ne s’était senti aimé, soutenu dans les quelques bonnes intentions timides qu’il avait apportées de chez lui, traité en homme qui a une âme, et que grandit son sacrifice humble. En revanche, tout le mal de la caserne avait eu prise sur lui : les exemples de la chambrée, les conversations, le perpétuel souci d’échapper à la règle, les préjugés, les corruptions multiples de tous ces hommes arrachés au foyer, dépaysés, nouveaux à la tentation des villes, et dont la jeunesse en crise ne trouvait pas un guide. Il n’était ni meilleur ni pire que la moyenne de ceux qui rentrent dans les campagnes. Il avait rapporté à la Fromentière un souvenir de mauvais lieux qui le suivait partout, une défiance contre toute autorité, le dégoût du travail dur, indéflni, inégalement productif des champs, qu’il comparaît avec de vagues emplois civils, dont on avait vanté devant lui les loisirs et la sécurité. Qu’il était loin, le jeune Maraîchin sauvage, au regard insouciant, l’inséparable compagnon d’André, et son modèle en ce temps-là, son protecteur, qui s’en allait par les levées des canaux, fendant l’air avec une baguette de tamarin, pour voir si les vaches n’avaient pas franchi la clôture du pré, ou pour chercher les canes égarées dans