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cuivre. Les trois hommes devant la table, au milieu de la pièce, étaient assis sur le même banc, par ordre de dignité, le père d’abord, le plus loin de l’entrée, puis Mathurin, puis François. Une lampe à pétrole, du plus petit modèle, éclairait leurs fronts penchés, la soupière, un plat de lard froid et un autre de pommes crues. Ils ne mangeaient pas à même la soupière, comme beaucoup de paysans, mais chacun avait une assiette, un couvert de métal blanc, un couteau à manche noir, un couteau qui n’était pas de poche, luxe introduit par François, au retour du régiment, et d’où le vieux métayer avait conclu que le monde changeait bien, au dehors.

Toussaint Lumineau avait l’air soucieux, et il se taisait. Son vieux visage, mâle et tranquille, contrastait étrangement avec la figure difforme de l’aîné, Mathurin. Autrefois, ils s’étaient ressemblé. Mais, depuis le malheur dont on ne parlait jamais et qui hantait toutes les mémoires à la Fromentière, le fils n’était plus que la caricature, la copie monstrueuse et souffrante du père. La tête, volumineuse, coiffée de cheveux roux, rentrait dans les épaules, elles-mêmes relevées et épaissies. La largeur du buste, la