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traversa, poussa le portillon d’une grande barrière, suivit un mur à demi croulant et velu de feuillages, et, par un portique dont l’arche ruinée, béante sur le ciel, trouait solennellement la vieille enceinte, entra dans une cour tout enveloppée de bâtiments. La grange où s’entassait le fourrage vert était à gauche, près de l’étable. La jeune fille y jeta la provision de choux qu’elle apportait, et, secouant sa robe mouillée, s’approcha de la maison longue, basse, couverte en tuiles, qui barrait le fond. Devant la dernière porte à droite, dont les fentes et le trou de la serrure brillaient, elle s’arrêta un peu. Une crainte, qu’elle éprouvait souvent, l’avait saisie. On entendait, de l’intérieur, un bruit de cuillers heurtant les assiettes, des voix d’hommes, un pas traînant sur le carreau. Le plus doucement qu’elle put, elle ouvrit, et se glissa dans la salle.

La famille était là réunie. Quand la jeune fille entra, tous les regards se tournèrent vers elle, mais aucune parole ne lui fut dite. Elle s’avança le long du mur, se sentant isolée, tâchant de retenir le claquement de ses sabots, pour qu’on l’observât moins longtemps, et elle se pencha au-dessus du feu, les mains tendues à la flamme,