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jeune, petit, de la même taille à peu près que Rousille, très nerveux, très noir, avec des traits réguliers, pâles, que coupait une moustache à peine relevée aux coins de la bouche. La couleur seule de son teint indiquait qu’il n’était pas né dans le Marais, où la brume amollit et rosit la peau, mais en pays de terre dure, dans la misère des closeries ignorées. On pouvait deviner, cependant, à son visage osseux et ramassé, à la ligne droite des sourcils, à la mobilité ardente des yeux, un fonds d’énergie indomptable, une ténacité qu’aucune contradiction n’entamait. Pas un instant, les craintes de Marie-Rose ne le troublèrent. Un peu pour l’amour d’elle, beaucoup pour l’attrait de la chasse et de la maraude nocturne qui domine tant d’âmes primitives comme la sienne, il avait résolu d’aller chasser cette nuit dans le Marais. Et rien ne l’eût fait céder, pas même l’idée de déplaire à Rousille. Celle-ci avait l’air d’une enfant. Avec sa taille plate, sa fraîcheur de Maraîchine, l’ovale plein de ses joues, la courbe pure du front, que resserraient un peu sur les tempes deux bandeaux bien lissés, ses lèvres droites, dont on ne savait si elles se redresseraient pour rire ou s’abaisseraient pour pleurer, elle ressemblait à ces vierges grandissantes qui marchent