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en parlant des assiduités du valet ? C’était probable. Comment un valet, le fils d’une pauvre veuve du Bocage, de la terre lourde de là-bas, aurait-il osé courtiser la fille d’un métayer maraîchin ? De l’amitié, il pouvait en avoir, et du respect pour cette jolie fille dont on remarquait le visage rose, oui, lorsqu’elle revenait, le dimanche, de la messe de Sallertaine ; mais autre chose ?… Enfin, on veillerait… Toussaint Lumineau ne pensa qu’un instant à cette mauvaise parole que l’homme avait dite, et, tout de suite après, il songea, avec une douceur et un apaisement de cœur, à l’unique absent, au fils qui par la naissance précédait Rousille, André, le chasseur d’Afrique, qui avait suivi comme ordonnance, en Algérie, son colonel, un frère du marquis de la Fromentière. Ce dernier fils, avant un mois il rentrerait, libéré du service. On le verrait, le beau Maraîchin blond, aux longues jambes, portrait du père rajeuni, tout noble, tout vibrant d’amour pour le pays de Sallertaine et pour la métairie. Et les inquiétudes s’oublieraient et se fondraient dans le bonheur de retrouver celui qui faisait se détourner les dames de Challans, quand il passait, et dire : « C’est le beau gars dernier des Lumineau ! »