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mesure seule variait. La plupart des jeunes filles dansaient bien, quelques unes avec un sentiment vif du rythme et de l’attitude. Autour de leur ceinture, les plus soigneuses et les mieux habillées avaient noué un mouchoir blanc, pour que le danseur ne gâtât pas l’étoffe de la robe quand, après chaque refrain, il enlevait sa danseuse à bout de bras et la faisait sauter le plus haut possible, afin de montrer la légèreté des Maraîchines et la force des Maraîchins. On se retrouvait, gens de la même paroisse et du même coin, on poursuivait les intrigues de l’hiver précédent, on se parlait d’amour pour la première fois, on se donnait rendez-vous au marché de Challans ou à quelque veillée prochaine dans une autre ferme, on se montrait les nouveaux venus. Parmi ces derniers, André Lumineau était le plus recherché, le plus gai, le moins embarrassé pour inventer des choses drôles et les dire.

Les heures passaient. Deux fois, le père Gauvrit avait traversé les deux chambres, ouvert la porte, et prononcé :

— La lune monte et on la verra bientôt, le vent s’élève et il gèle dur.

Puis, il était revenu prendre sa place autour de la table où les joueurs de luette l’attendaient, entre deux armoires. Mathurin Lumineau avait consenti à jouer. Mais il jouait distraitement, et regardait moins ses cartes qu’il ne guettait le passage, les mots, les gestes de Félicité Gauvrit. Déjà, à plusieurs reprises, l’habile et superbe fille s’était arrêtée avec son danseur dans la seconde pièce, pour échanger quelques paroles avec Mathurin. Elle rayonnait d’orgueil. Sur sa figure hardie, régulière, qui dominait la plupart des bonnets de tulle, elle portait la joie de son triomphe, car après six ans, la folie d’amour qu’elle avait inspirée durait encore, et lui ramenait les fils de la Fromentière.

Il était dix heures. Une petite Maraîchine, au visage rousselé comme le plumage d’une grive, lança les premières notes d’une ronde :


 
Quand j’étais chez mon père,
Petite à la maison,
M’en fus à la fontaine,
Pour cueillir du cresson.