appuyée sur un coude et regardant l’ombre de la cour, le métayer réfléchissait aux choses qu’il avait entendues ce soir, et à l’impuissance où il se trouvait, malgré sa tendresse et sa grande expérience de se faire obéir, dès qu’il ne s’agissait plus du travail de la métairie. Mais il ne demeura pas longtemps sans demander à sa fille, enfermée dans la décharge voisine, — la moindre parole sonnait si bien dans les chambres vides !
— Rousille ?
La petite ouvrit la porte, et s’avança un peu, tenant un plat creux qu’elle essuyait sans le regarder.
— J’ai peur que Mathurin ne retourne la voir…
— Oh ! père, il ne ferait pas ça… D’ailleurs, il ne doit pas avoir ses souliers, et il n’oserait pas paraître à la Seulière…
Elle se pencha, chercha sous le lit de Mathurin, puis dans le coffre, et se releva en disant :
— Si… il les a emportés… Il les avait mis d’avance… Le premier son de corne a passé vers six heures.
Le père se mit à marcher à grands pas. Inquiet, il s’arrêtait, de minute en minute, pour écouter si un bruit de béquilles heurtant les cailloux n’annonçait pas le retour de Mathurin.
X
LA VEILLÉE DE LA SEULIÈRE
La porte s’ouvrit avec fracas, et sur le seuil, illuminé par la vive lueur des lampes, Mathurin Lumineau apparut. L’entrée d’un revenant n’aurait pas produit plus d’effet. Le bruit cessa tout à coup. Les filles, effarées, s’écartèrent et se groupèrent le long des murs. D’étonnement, plusieurs gars ôtèrent leur chapeau, qu’ils avaient gardé pour danser ; des métayères se levèrent, à demi, des chaises où elles étaient assises. On hésitait à reconnaître