— La Fromentière doit te paraître petite et pauvre, à toi qui lis dans les livres ? Bien sûr, elle ne donne pas comme autrefois !
Mathurin ne doutait plus, lorsque Driot doutait encore.
L’année s’acheva ainsi.
Une nouvelle année commença. L’hiver était pluvieux, mais il gelait toutes les nuits. On voyait, au matin, les fils d’araignées, tendus d’une motte à l’autre et couverts de brume glacée, remuer au vent comme des ailes blanches. La glèbe fumait au soleil tardif, et les ailes blanches devenaient grises. Les plus gros travaux de la campagne étaient suspendus. Les hommes des terres hautes abattaient quelques souches ou remplaçaient des barrières. Ceux du Marais ne faisaient plus rien. Pour eux les vacances étaient venues. Les fossés et les étiers débordaient. La plupart des fermes, enveloppées par les eaux et comme flottantes au-dessus d’elles, n’avaient de communication avec les bourgs ou entre elles qu’au moyen des yoles remises à neuf, qui couraient en tous sens sur les prés inondés. C’était le temps joyeux des veillées et des chasses.
Le sol n’était cependant pas si dur qu’on ne pût le défoncer, et Toussaint Lumineau avait résolu, selon le conseil donné par Mathurin, d’arracher la vigne qui dépendait de la Fromentière, et que le phylloxera avait détruite.
Le métayer et André montèrent donc jusqu’au petit champ bien exposé au midi, sur la hauteur dénudée que coupe la route de Challans à Fromentine. Ils avaient devant eux, et ne voyaient pas autre chose, sept planches de vieille vigne entre quatre haies d’ajoncs, un sol caillouteux, et les ailes de deux moulins qui tournaient.
— Attaque une des planches, dit le métayer ; moi, j’attaquerai celle d’à côté.
Et enlevant leur veste, malgré le froid, car le travail allait être rude, ils se mirent à arracher la vigne. L’un et l’autre, ils avaient causé d’assez belle humeur en faisant la route. Mais, dès qu’ils eurent commencé à bêcher, ils devinrent tristes, et ils se turent pour ne pas se communiquer les idées que leur inspiraient leur œuvre de mort et