indifférence affectée. Il savait, par exemple, que la plupart des lettres que recevait André portaient, les unes le timbre d’Alger, les autres celui d’Anvers. Et comme ce dernier nom ne disait rien à Mathurin, André avait expliqué :
— C’est un grand port de Belgique, plus grand que Nantes où tu as passé une fois.
— Comment peux-tu connaître du monde si loin de chez nous et si loin de l’Afrique ?
— C’est bien simple, ajoutait le cadet : mon meilleur ami, à Alger, est un Belge de la légion étrangère, qui a toute sa famille dans la ville d’Anvers. Tantôt Demolder m’écrit, et tantôt ce sont les parents qui m’écrivent pour me donner les renseignements dont j’ai besoin…
— Des nouvelles de tes camarades, alors ?
— Non, des choses qui m’intéressent, sur les voyages, les pays… Un des enfants s’est établi au delà de la mer, en Amérique. Il a une ferme aussi grande que la paroisse de chez nous.
— Il était riche ?
— Non ; il l’est devenu.
Mathurin n’insistait pas. Mais il continuait d’observer, d’ajouter les indices aux indices. Quand André laissait traîner une brochure d’émigration, une annonce de concessions à donner ou à vendre, Mathurin relevait la feuille et tâchait de découvrir les endroits où les sourcils du frère s’étaient froncés, où quelque chose comme un sourire, un désir, une volonté, avait traversé les yeux du cadet.
De preuve en preuve, il avait acquis la conviction que Driot méditait de quitter la Fromentière. Quand ? Pour quel pays lointain où la fortune était facile ? C’étaient là des points obscurs. Alors, en ce mois de décembre, où les tête-à-tête sont plus nombreux à cause des bourrasques, des journées de neige et de pluie, lorsqu’il était seul avec André, dans l’étable ou dans la maison, il disait perfidement :
— Parle-moi de l’Afrique, Driot ? Raconte-moi les histoires de ceux qui se sont enrichis ? Ça m’intéresse de t’entendre causer là-dessus.
D’autres fois il demandait :