toutes trois vêtues de noir avec des coiffes de dentelles. Le jais de leurs mouchoirs de velours brillait sur leurs épaules. Elles s’avançaient en balançant leur tête. C’étaient des filles de Sallertaine. Mais la lumière était derrière elles, et nul n’aurait pu dire leur nom, excepté Mathurin, qui, dans celle du milieu, avait reconnu Félicité Gauvrit. À quelques pas en arrière venaient le sonneur de clairon, un porte-drapeau, et cinq jeunes hommes en ligne, qui tenaient, pendues par un lien de chanvre ou couchées sur un bras, les poules récoltées dans les fermes.
La troupe suivit le chemin, fit une centaine de mètres, et s’arrêta entre les ormeaux et le mur ruiné de la Fromentière.
— Bonjour, les frères Lumineau ! dit une voix.
Il y eut des rires dans la bande excitée par la course et par le muscadet des métairies. L’infirme fléchit sur ses poignets, et regarda du côté d’André.
Félicité Gauvrit, sans quitter ses compagnes, s’était portée un peu en avant de la bande, et considérait, d’un air de complaisance, le dernier fils de la Fromentière, qui tendait la poule grise à bout de bras.
— Vous avez donc deviné, André ? reprit-elle. Ce que c’est que les garçons d’esprit !… Allons, prenez la poule de Rousille, Sosthène Pageot.
Un vigoureux gars, rougeaud, la mine hébétée comme ceux que le vin commence à étourdir, sortit du rang et prit l’oiseau. Mais à l’attitude moqueuse d’André, au silence qu’il gardait, Félicité devina que celui-ci s’expliquait mal la présence de la fille de la Seulière en pareille compagnie, car elle ajouta négligemment :
— Vous pouvez croire que je ne cours pas tous les jours le Marais avec des conscrits. Si je le fais aujourd’hui, c’est pour rendre service. Ces deux amies que vous voyez, et qui sont de la classe, ont été désignées par le sort pour quêter. Mais elles n’osaient pas aller seules, et la quête aurait manqué sans moi.
Elle s’exprimait bien, avec une certaine recherche qui dénotait l’habitude de la lecture.
— Ç’aurait été dommage ! dit le jeune homme, sans conviction.