âcre des roseaux fanés passait par intervalles. Et, tout entière à son rêve, Félicité Gauvrit ne s’apercevait pas qu’elle était presque rendue chez elle.
Elle eut comme un réveil douloureux, en remarquant tout à coup une blancheur dans les prés, à droite. C’était la Seulière. En même temps, un doute s’éleva dans son esprit, question inquiétante, mauvaise fin de rêve : si André se dérobait, lui aussi ? Ou bien si Mathurin, grisé comme il le serait par le moindre mot de souvenir, et devenu plus pressant et plus jaloux encore, devinait trop tôt ce qu’on méditerait autour de lui ?
Au-dessus du canal, sur le milieu d’un pont en dos d’âne qui reliait les prés à la route, Félicité Gauvrit s’était arrêtée. La grande créature souple étendit les bras au soleil, fronça, dans un moment de colère, ses sourcils bruns, et cracha la fleur d’iris, qui tomba dans l’eau. Puis, l’ayant suivie du regard, elle se mira une seconde, et se redressa souriante.
— Je réussirai, dit-elle.
Et, descendant le talus du pont, elle gagna la Seulière par la traverse.
VIII
LES CONSCRITS DE SALLERTAINE
L’après-midi de ce dimanche d’automne fut marquée par une paix plus profonde encore qu’à l’ordinaire. L’air était tiède ; la lumière voilée ; le vent, qui s’était levé avec la mer et poussait plus loin qu’elle sa marée, en traversant l’immense plaine herbeuse, ne récoltait pas un bruit de travail, pas une plainte de charrue, pas un heurt de pelle, de marteau ou de hache. Les cloches seules parlaient haut. Elles se répondaient les unes aux autres, celles de Sallertaine, du Perrier, de Saint-Gervais, de Challans, qui a une église neuve pareille à une cathé-