Le père répondait pour ses bœufs, pour ses champs, pour toutes choses, heureux parce que le dernier de ses fils, après trois ans d’absence, aimait encore la terre.
Cependant le beau cavalier riait plus qu’il n’en avait envie, et cachait les tristes idées qui lui traversaient l’esprit, au cours de sa visite. Il fit semblant de ne pas voir, dans l’appentis, les pièges à merles qu’avait construits François l’hiver passé. Plus loin, dans l’aire, comme sur la barge de paille nouvelle, si longue et si bien arrondie au sommet, il y avait un bouquet fané, il se pencha vers Rousille et murmura :
— C’est encore François qui l’avait cueilli ? J’ai une peine que je n’aurais pas imaginée, Rousille, de ne plus retrouver François. Ça me change la Fromentière.
Mais le père n’entendit rien. Il voyait l’enfant revenu, l’avenir de la Fromentière assuré. Lorsqu’ils rentrèrent tous dans la salle commune, il passa la main sur la veste bleue du chasseur d’Afrique, et dit :
— Je t’aime bien comme ça, mais je parierais que tu ne serais pas fâché de quitter tes hardes de militaire ?
— C’est vrai, papa, répondit André, riant de l’impropriété des mots et de l’invitation déguisée du père. Je ne suis pas à la mode de Sallertaine : je vais m’y mettre.
Dans le fond du coffre, auprès du lit où il devait coucher le soir, dans la chambre la plus éloignée, là-bas, André prit un à un les vêtements de travail, serrés le jour du départ. Il mit une coquetterie à relever sa moustache et le bord de son chapeau. Il fleurit sa boutonnière d’un brin de jasmin qui pendait le long de la fenêtre. Bientôt il retraversa la maison ; il ouvrit la porte de la cuisine, on vit se dresser, entre les vieux murs, le plus joli Vendéen du Marais, svelte dans sa veste marquée de plis, blond de cheveux, brun de visage, la mine heureuse de la joie des autres.
— Oh ! mon Driot, dit le père gaiement, te voilà tout à fait revenu ! Tu étais mon fils tout à l’heure, mais pas autant qu’à présent !
Il ajouta :
— Viens boire avec nous ! Nous boirons à ta santé, pour que tu restes à la Fromentière : car, moi, je vieillis vite, et tu me remplaceras.