vers le père, qui avait dételé la Rousse et s’avançait en se dandinant, la figure épanouie, n’ayant d’yeux que pour son Driot retrouvé. L’un près de l’autre, ils se dirigèrent vers la maison, ils entrèrent. Mais c’était le métayer qui cédait le pas, lui qui suivait, en ce jour de consolation. L’enfant reconquis allait devant, souple, curieux comme à une première visite, heureux d’être regardé et écouté par les autres. Il ne s’asseyait point, et promenait de chambre en chambre son uniforme bleu et rouge, si étrange dans ce logis de semeurs de blé ; il faisait sonner ses mots pour amuser la Fromentière ; il se heurtait volontairement aux angles, pour sentir le cadre de vieilles pierres où il rentrait ; il ouvrait la huche, se taillait un morceau de pain et y mordait, en disant : « Meilleur que le pain d’Alger, mes amis ! C’est de la fournée de Rousille, pas vrai ? Il est parfait. Nous aurons une bonne métayère. »
Toujours suivi de son père, de Mathurin et de Marie-Rose, il passa de la maison dans les étables et dans les granges.
— Voilà des bœufs que je ne connaissais pas, dit-il.
— Non, mon garçon, je les ai achetés, l’hiver passé, à la foire de Beauvoir.
— Eh bien ! je parie qu’à leur figure je devine leur nom ! Celui-ci, le jaune, qui n’a pas l’air brave, c’est Noblet, et son compagnon, le petit roux, c’est Matelot ?
— Tout juste ! fit le père.
— Pour les autres, nos vieux bœufs, ils n’ont pas changé, sauf qu’ils ont pris de la force et de la corne. La charrue, avec eux, doit bien mordre. Bonjour, Paladin ! Bonjour, Cavalier !
Les bonnes bêtes, couchées dans leur fumier, entendant cette voix jeune qui leur parlait, allongeaient la tête, et, de leurs yeux songeurs, suivaient André.
Un peu plus loin, il se baissa, et prit une poignée de fourrage vert.
— Beau maïs pour la saison ! dit-il. Ça doit venir de nos pièces du haut : de la Cailleterie ?
— Non.
— De la Jobinière alors, où pas un grain ne se perd. En voilà une jolie pièce !