dans les choses s’éveillait et parlait. Il n’y avait pas une motte de terre qui ne lui criât bonjour, pas un ajonc de fossé, pas un orme ébranché qui n’eût un regard ami. Mais tout lui rappelait aussi le frère et la sœur qu’il ne retrouverait plus.
Sans distraire ses yeux de la Fromentière, il répondit, après un silence et sans nommer ceux auxquels il pensait :
— J’irai les voir à la Roche… bien sûr… Mais on n’est plus tout à fait frères quand on n’est plus pays…
Un instant après, dans la cour, il enlevait à bout de bras la petite Rousille accourue au-devant de lui ; il la regardait bien en face, jusqu’au fond des yeux, l’embrassa et la posa à terre.
— Tu es toujours la même, sœur Rousille ! C’est bien ! Un peu de peine tout de même d’avoir perdu Lionore ?
— Tu vois ça ?
— Parbleu ! Mais me voilà ! Nous tâcherons de vivre sans eux, n’est-ce pas ?
— Et moi ? dit une grosse voix.
Le soldat quitta Rousille, et se porta au-devant de Mathurin qui venait en traînant les jambes.
— Ne te dépêche pas, mon vieux ! C’est à moi de courir : j’ai de bonnes jambes !
Penché au-dessus des béquilles et caressant la tête fauve de l’aîné, André ne trouvait pas un mot de réconfort. Lui qui sortait de ces milieux militaires où tout était jeune, dispos, alerte, il ne savait plus cacher son trouble et l’espèce d’horreur que lui faisait l’infirmité de Mathurin. Cependant, pressé par le regard anxieux, le regard du patient qui demandait : « Que penses-tu de moi ? toi qui reviens, juge-moi ; pourrai-je vivre ? » il finit par dire :
— Mon pauvre vieux, je suis bien content de te revoir aussi. Alors, ça ne va pas plus mal ?
D’un coup d’épaule, l’infirme l’écarta, mécontent.
— Ça va beaucoup mieux, répondit-il, tu verras. Je marche plus facilement… Je me tiens debout comme il y a trois ans, quand j’ai cru guérir… Et, pour commencer, j’irai demain avec vous à la messe de Sallertaine.
Pour se dispenser de répondre, le soldat se détourna