si droit, le chapeau sur la tête, au-dessous de la lanterne en verre dépoli qu’on n’allumait jamais.
Peu d’instants après, la porte du jardin s’ouvrit ; un homme s’avança, de haute taille lui aussi, trop gros, vêtu d’un complet de flanelle blanche et coiffé d’une casquette de même étoffe. Dans sa figure rasée ses petits yeux papillotaient, gênés sans doute par la brusque diminution de la lumière. C’était M. Meffray, le grand électeur de Challans, demi-bourgeois ambitieux, animé d’une haine secrète contre les paysans, et qui, sorti de leur race, vivant à côté d’eux dans un bourg, n’avait cependant plus que l’intelligence de leurs défauts, dont il usait. Averti de la façon dont Lumineau s’était présenté, redoutant les scènes violentes, il s’arrêta près de la première marche de l’escalier, posa le coude sur la rampe, porta trois doigts à sa casquette, et dit négligemment :
— On aurait dû vous faire entrer, métayer. Mais enfin, puisque vous êtes pressé, paraît-il, nous pouvons causer ici. J’ai rendu service à votre fils, est-ce à cause de cela que vous venez ?
— Justement, dit Lumineau.
— Si je peux vous servir encore à quelque chose ?
— Je veux garder mon gars, monsieur Meffray.
— Comment le garder ?
— Oui, que vous défassiez ce que vous avez fait.
— Mais, ça dépend de lui, métayer. As-tu reçu ta lettre de convocation, François ?
— Oui, monsieur.
— Si tu désires ne pas te rendre à ton poste, mon ami, les candidats ne manquent pas pour te remplacer, tu sais. J’ai dix autres demandes que j’aurais plus de raisons d’appuyer que je n’en ai eu pour appuyer la tienne. Car, enfin, vous autres Lumineau, vous n’êtes pas avec nous dans les élections. Renonces-tu ?
— Non, monsieur.
— C’est moi qui ne veux pas qu’il parte, interrompit Toussaint Lumineau. J’ai besoin de lui à la Fromentière.
— Mais il est majeur, métayer !
— Il est mon fils, monsieur Meffray ! Il me doit son travail. Mettez-vous à ma place, à moi qui suis vieux. Je comptais sur lui pour lui laisser ma métairie, comme mon