retour d’André… À présent qu’il revient, il peut bien vous aider, lui : c’est son tour !
Le métayer était resté étourdi sous le coup. Il avait seulement beaucoup pâli. Ses dents serrées, touchant sa charrue d’un bras, il demeurait sans parole, les yeux fixés sur François, comme sur un être privé de raison. Les idées, lentement, avec leur douleur, lui entraient dans l’âme.
— Mon François, ce que tu dis là ne se peut. Éléonore ne s’est jamais plainte de son travail.
— Ah ! bien oui ; pas à vous !
— Toi, tu as toujours été bien aidé. Si je t’ai reproché des fois ton nonchaloir, c’est que les années sont dures pour tous. Mais, puisque je vais prendre un valet, puisque Driot nous arrive dans quinze jours, ça fera quatre hommes, avec moi qui vaux encore un peu. Tu ne pars pas, François ?
— Si.
— Où veux-tu être mieux que chez nous ? Est-ce que le pain t’a manqué ?
— Non.
— Est-ce que je t’ai refusé des habits, ou seulement de l’argent pour ton tabac ?
— Non.
— François, c’est le cœur qui t’a changé, depuis le régiment.
— Ça se peut.
— Mais tu ne veux pas t’en aller, dis ?
Le gars fouilla dans la doublure de sa veste, et tendit la lettre.
— C’est pour demain midi, fit-il ; si vous ne me croyez pas, lisez !
Par-dessus la croupe du bœuf, le père étendit le bras. Mais il tremblait si fort qu’il tâtonnait pour saisir la lettre. Puis, quand il l’eut entre les mains, dans un subit accès de révolte, au lieu de l’ouvrir, il la froissa, la tordit, la rompit en miettes, la jeta sous ses sabots, l’écrasa sur la terre molle.
— Tiens ! cria-t-il, il n’y a plus de lettre ! Iras-tu encore ?
— Ça n’empêchera rien, répondit François.