François, commencèrent à reparaître au ras des herbes qu’observait Mathurin. Celui-ci, pour saluer le retour du harnais, se mit à « noter », à chanter, de toute sa voix, la lente mélopée que chacun varie et termine comme il veut. Les notes s’envolaient, puissantes, avec des fioritures d’un art ancien comme le labour même. Elles soutenaient le pas des bêtes qui en connaissaient le rythme ; elles accompagnaient la plainte des roues sur les moyeux ; elles s’en allaient au loin, par-dessus les haies, apprendre à ceux de la paroisse qui travaillaient dehors que la charrue soulevait enfin la jachère, dans la Cailleterie des Lumineau. Elles réjouissaient aussi le cœur du métayer. Mais François demeurait sombre.
Quand l’attelage atteignit l’ombre du cormier :
— Père, dit Mathurin, vous ferez bien de replanter notre vigne qui s’en va. Dès que Driot sera là, faudra nous y mettre. Qu’en dites-vous ?
Car il avait toujours l’esprit en songerie vers l’avenir de la Fromentière.
Le métayer arrêta les bœufs, leva son chapeau, et ses cheveux apparurent tout fumants. Il sourit de contentement.
— Tu as de jolies idées, Mathurin ; si le grain pousse bien dans la Cailleterie, foi de Lumineau, j’achète du plant pour la vigne… J’ai espoir dans notre labour d’aujourd’hui… Allons, cadet, range le harnais… Ménage la jument qui a chaud, flatte-la un peu, tiens-toi dans sa vue pour qu’elle aille plus sagement.
L’attelage repartit. Une lumière ardente et voilée enveloppait bêtes et gens. Tous les flancs battaient. Les mouches criblaient l’air. Des tourterelles, gorgées de remberge, se posaient dans les ormes, fuyant les chaumes embrasés.
Comme l’infirme ne chantait plus, le métayer dit, vers la moitié du champ :
— À ton tour de noter, François ! Chante, mon garçon, ça t’éjouira le cœur.
Le jeune homme continua une dizaine de pas, puis il essaya de noter : « Oh ! oh ! les valets, oh ! oh ! oh ! » Sa voix, qu’il avait plus haute que Mathurin, fit dresser l’oreille des bœufs, et s’en alla tremblante. Mais, tout à