appelait « mes tantes » à cause d’une parenté extrêmement difficile à établir, mais surtout à cause de leur bonté, — j’ai marché vite, et c’est vrai que je suis lasse. Je viens pour l’argent.
Les deux sœurs échangèrent un regard de côté, riant déjà à la pensée des noces prochaines, et l’aînée, Adélaïde, passant son aiguille sur ses lèvres, comme pour les dérider, demanda :
— Tu te maries donc ?
— Oh ! que non ! répondit Marie-Rose. Je me marierai comme vous, mes tantes, avec mon banc d’église et mon chapelet. C’est pour le père, qui n’a pas de quoi payer le fermage. On est en retard.
Et comme, en parlant, elle ne regardait pas les yeux de ses vieilles amies, mais bien le sombre de la chambre, quelque part vers les lits qui se suivaient le long du mur, les Michelonne hochèrent la tête, pour se communiquer leur impression, qu’il y avait quelque chose de nouveau tout de même dans la vie de Rousille. Mais les Michelonne étaient plus polies encore que curieuses. Elles réservèrent leur pensée pour les longues heures de causerie à deux, et Adélaïde, rejetant la cape à demi ouvrée, joignant ses mains noueuses et blanches comme des ossements, penchant sa taille toute plate, reprit gaiement :
— Vois-tu, ma belle, tu arrives bien ! Je t’ai pris à bail ton argent pour obliger mon neveu, qui a des juments dans le Marais, comme tu sais, et des jolies. Il est malin pour plusieurs, ce grand Francis. N’a-t-il pas vendu hier, justement, pour un si gros prix qu’il ne veut pas le dire, sa pouliche gris pommelé, qui courait comme un vanneau fou, et que tous les marchands et tous les dannions chérissaient de l’œil, en passant sur les prés ! Pour rendre un bon morceau de la somme, il ne sera guère gêné, tu comprends. Combien veux-tu ?
— Cent vingt pistoles.
— Tu les auras. C’est-il pressé ?
— Oui, tante Adélaïde. Je les ai promises pour demain.
— Alors, Véronique, ma fille, si tu allais chez le neveu ? La cape attendra bien une heure.